Au XVIIème siècle, un XVIIIème siècle attardé, commencent les difficultés ; l’ère des problèmes structurels et des problèmes conjoncturels s’y greffent. Une date marocaine, 1727, mort de Moulay Ismaël, va être suivie d’une date européenne, 1815, qui marque la fin des guerres napoléoniennes, des guerres de la Révolution et de l’Empire.
C'est la perte de l'influence internationale que la ville à joué tout au long du siècle dernier, avec des mouvements de rémissionpour épargner la ville du désastre, mais ses efforts n'ont pu la sauver dudéclin qu'il s'avère inévitable.
La perte de l'influence internationale:
Riffi est soumis à l’opposition de notables, de ces familles sans lesquelles ou contre lesquelles il est impossible de gouverner et qui cet esprit liberté, d’oligarchie signalée. Et sous la direction de ceux que les européens appellent Oukach, qui est Loukach, en 1727 la ville se révolte. Riffi est renvoyé.
Il reprendra le pouvoir en 1734 dans des conditions difficiles, après sept ans de troubles. Il y aura les attaques des tribus, de Langra, ou avec d’ailleurs un autre chef d’origine andalouse. Riffi meurt en 1743. Sa mort entraîne toute une série de difficultés, mais surtout elle coïncide presque avec l’arrivée au pouvoir d’un puissant sultan, d’un sultan que l’histoire n’a peut-être pas retenu au même titre que Moulay Ismaël, Sidi Mohamed Ben Abdallah. Moulay Ismaël a eu une double chance : celle d’abord d’être un très grand sultan, et ensuite d’être le contemporain de Louis XIV, Le Louis XIV marocain dont Mekhnès était le Versailles, et le vouloir épouser la princesse de Conti. Sidi Mohamed Ben Abdallah n’avait pas ces atouts historiques. Et pourtant ce très grand sultan va régner pendant plus de trente ans, de 1757 à 1790, et reprendre un peu en main l’administration de la ville.
Les gouverneur sont plus dépendants du pouvoir central. Des facteurs multiples, qui sont les difficultés de passage du détroit rejetant vers l’Atlantique une partie du commerce, qui sont la libération des ports de l’Atlantique, rejetant en cause la place internationale de Tétouan. Tanger avait été repris en 1684, après la Maàmora en 1681,Larache en 1689. Petit à petit, ces ports avaient émergé et faisaient concurrence au port jusqu’alors unique de Tétouan. Et puis el Baida, par éclats, réapparaît dans le circuit commercial. Safi prend de l’importance. Essaouira, crée par la volonté de Sidi Mohamed Ben Abdallah dans les années 1764-1773 et où il impose à des Tétouanais d’aller d’installer, de faire commerce, va capter le commerce de l’Atlantique du Sud, du sud marocain et du grand sud. Car les caravanes qui poussaient jusqu’à Fès et Tétouan s’embarquent désormais à Essaouira. Il n’y en a plus aucune trace à Tétouan. Il semble que l’air de respiration, l’air commercial de la ville se restreigne d’autant plus. La proximité de Gibraltar, fut à la fois sa chance et sa malchance. Pourquoi envoyer les navires jusqu’à Amsterdam, pourquoi les envoyer jusqu’en Syrie si on peut trouver à Gibraltar, si près, tout ce dont on a besoin ? L’air, réellement, de Tétouan s’atrophie et insensiblement le port passe du rôle de port international au rôle national, et encore même pas, de port régional du Nord marocain.
A ces malheurs insensibles, mais qui s’accumulent, qui font poids au fil des ans, s’ajoute la diminution de la course qui tend à être une activité de moins en moins lucrative. Les recherches faites dans les archives du bagne de Toulon montrent décroissance constante des bagnards, ces captifs marocains, ce qui est une preuves supplémentaires parmi d’autres causes, comme l’augmentation de la taille des navires que le port de Tétouan ne pouvait plus accueillir.
Enfin, dernier signe, le retrait des consuls. Entre 1770-1772 le sultan Sidi Mohamed Ben Abdallah chasse tous les consuls, et tous les commerçants européens de Tétouan. Les consuls vont s’installer dans d’autres villes, à Rabat, à Essouira. Surtout à Tanger et c’est pour cette raison que Tanger deviendra dans ces années la "capitales diplomatique" du Maroc. Peu à peu s’y regroupent tous les consuls, le dernier installé étant le consul de France qui y viendra pendant la Révolution française.
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Mouvements de rémission:
Mais dans ce renversement multiple, aux causes multiples, il a des éclats de prospérité. D’abord le rôle de sultans. Mohamed Ben Abdallah instaure la fabrique d’armes de Tétouan. Il en fait une grande fabrique. Ce sera Dar El Bomba, la maison de la bombe ou de la poudre, avec l’appel à des armuriers et des architectes navals ottomans. Il installe ou il redonne vie à l’atelier monétaire, avec de très belles frappes d’argent, de cales d’argent, en 1780-1781. Moulay Sliman s’intéresse à la ville : il va faire construire la grande mosquée en 1807 ainsi que le nouveau Mellah, Mellah Al-Jdid, à côté, plutôt l’opposé du Mellah Al-Bali, du Mellah ancien en 1808.
C’est aussi un dernier éclat maritime. Pendant les guerres de l’Empire est instauré un blocus continental et un contre blocus maritime anglais qui touche, non seulement la France elle même, mais aussi toutes les puissances européennes que la France domine : l’Espagne, l’Italie française, annexées des départements du nord. Pour contourner ce blocus, tous ces pays qui avaient l’habitude de commercer avec le Maroc vont continuer sous pavillon de complaisance et en particulier sous le pavillon marocain.
La marine joua donc un rôle extrêmement important entre 1804-1814. Quelques 120 ou 150 bateaux tétouanais vont dans les ports espagnols. Mais aussi dans les ports italiens et un peu partout. Évidemment, Tétouan est très bien placé pour tout ce commerce de l’Europe française, parce qu’il n’y a pas le détroit à franchir, parce qu’on peut échapper plus facilement aux croisières anglaises.
Mais malgré cette reprise, il y a manifestement une sorte d’affaiblissement de cette création architecturale que fut la grande mosquée. Certes bien des palais seront édifiés, en particulier le palais Erzini dont un élément, qui date du début du XIXème siècle, est d’influence gibraltarienne très nette. Mais il n’y a pas là cette originalité qui avait amené à la création du style tétouanais, style d’architecture, style de broderie.
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Le déclin:
Le déclin se précise. Il est lié à une nouvelle donnée, à la fois locale et internationale. Tétouan, moins bien secourue et alimentée que les autres ports marocains, doit supporter le poids des crises marocaines : 1800 la peste, en 1818 la grande peste, en 1825 une effroyable famine qui fait certainement plusieurs milliers de morts dans une ville de 30 000 habitants, en 1822 un siège très dur, celui que Moulay Sliman fait contre une ville qui a fait le mauvais choix de Moulay Zaïd. La ville est bombardée, assiégée par terre et par mer. Alors débute une immigration des commerçants, des juifs.
De nouvelles conditions commerciales apparaissent qui font que les ports de l’ouest s’ouvrent les uns après les autres et prospèrent, et continuent à "boucher" l’aire territoriale de Tétouan.
Et Tétouan passe, insensiblement, du premier au deuxième rang, après Essaouira, puis au troisième après Rabat et bientôt au quatrième rang des ports marocains. Cette lente décadence se marque aussi par le fait qu’il n’y a plus de grande familles aussi importantes. La famille Achach a ses palais hors de la ville (pour lesquels il existe d’ailleurs un joli tableau de 1827) mais il ne peuvent s’opposer très fortement à un makhzen, au sultan qui, quand même, impose de plus en plus son pouvoir. Ce sont des fonctionnaires dépendants du pouvoir central, alors qu’autrefois l’inverse était presque vrai.
Dans ce déclin surgit une embellie : ce sont les années qui vont de 1830 à 1845, embellie liée à l’affaire d’Algérie. L’afflux d’Algériens qui fuient l’occupation des chrétiens, exactement comme l’avaient fait les Moudjars et les Morisques, renforce la ville d’un potentiel humain, notamment dans l’artisanat. Une filière Gibraltar-Tétouan alimente en argent, poudre et armes la frontière algérienne et toute la smalad’Abdelhader. Des juifs notamment vont véritablement asseoir leur fortune à cette époque tels les Hassan ou les parientes.
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